jeudi 5 juillet 2012

La crise s'aggrave au Mali - Le Point

La crise s'aggrave au Mali - Le Point

Des Maliens réclament des armes pour "libérer" le nord du pays, où des sites historiques et religieux viennent d'être détruits.

Des membres du groupe islamiste Ansar Dine. Des membres du groupe islamiste Ansar Dine. © Diakaridia Dembele/ / AP-Sipa
Des Maliens en colère contre les exactions de groupes armés, surtout islamistes, qui contrôlent le nord de leur pays depuis trois mois, ont manifesté mercredi à Bamako en réclamant des armes pour "libérer" cette région où des sites historiques et religieux viennent d'être détruits. "Si l'armée ne veut pas faire la guerre, qu'on nous donne les moyens de libérer nos terres !" a lancé Oumar Maïga, un responsable des jeunes du Collectif des ressortissants du Nord (Coren), à l'origine d'un sit-in qui a regroupé sous la pluie environ 2 000 personnes à Bamako.
Le Mali est plongé dans la crise depuis un coup d'État qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, accusé par les putschistes d'incurie face à divers groupes armés qui attaquaient le nord depuis mi-janvier. Le putsch a accéléré la chute de cette vaste région aux mains des assaillants, comprenant les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), et des islamistes puissamment armés : Ansar Dine (Défenseur de l'islam), al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao).
Les autorités de transition mises en place après le retrait des putschistes n'ont pu mettre fin à l'occupation des trois régions administratives formant le nord : Kidal (extrême nord-est), Gao (nord-est) et Tombouctou (nord-ouest). Les islamistes ont renforcé leur emprise sur le terrain en mettant en déroute leur ex-allié du MNLA : la rébellion touareg a été boutée hors de Gao le 27 juin après de violents combats avec le Mujao (au moins 35 morts) et contrainte de quitter Tombouctou le lendemain sur ordre d'Ansar Dine. Ces derniers jours, des hommes d'Ansar Dine ont choqué au Mali et dans le monde en démolissant sept des seize mausolées de saints musulmans de Tombouctou, ainsi qu'une porte inviolable d'une des trois mosquées historiques de cette ville classée comme patrimoine mondial en péril par l'Unesco le 28 juin.

Une "accumulation d'horreurs"

Les islamistes ont affirmé avoir détruit ces sites historiques et religieux "au nom de Dieu", estimant qu'ils n'étaient pas conformes à la charia (la loi islamique) qu'ils appliquent dans les zones sous leur contrôle. Les communautés du nord du Mali "ne partagent pas les bêtises du MNLA (sécessionniste, mais laïc, NDLR), du Mujao et d'al-Qaida (jihadistes, mais anti-indépendantistes, NDLR)", a déclaré le député touareg Nock Ag Attia, ayant participé au sit-in. Les manifestants ont appelé les autorités à "des actions concrètes".
Face à la suprématie des islamistes et à l'impuissance des autorités de Bamako, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) prévoit samedi un mini-sommet à Ouagadougou, avec des représentants du Mali, pour arriver à y former un gouvernement fort. Selon le Burkina Faso, pays médiateur pour la crise malienne, le président malien de transition Dioncounda Traoré participera à cette rencontre, puis retournera à Paris où il séjourne depuis le 23 mai, deux jours après avoir été violemment battu et blessé par des manifestants hostiles à son pouvoir. M. Traoré, attendu jeudi à Ouagadougou, n'avait pas quitté la France depuis lors. La Cedeao est disposée à envoyer une force militaire au Mali, mais attend pour cela un feu vert des autorités maliennes et de l'ONU.
Les islamistes se préparent aussi à une éventuelle intervention ouest-africaine et ont miné les alentours de Gao pour l'empêcher, et bloquer une éventuelle contre-offensive du MNLA. Dans une déclaration, les ressortissants du nord "condamnent avec la dernière énergie le minage" de leurs régions, "la profanation des tombes et la destruction des mausolées". Ils réclament "l'arrêt immédiat des combats et des exactions sur les civils et les biens". La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a réitéré mercredi son souhait de voir adoptée une résolution sur le déploiement d'une force au Mali, "sur le point d'être discutée" à l'ONU. Laurent Fabius a aussi évoqué "une accumulation d'horreurs" dans le nord du Mali. L'Union européenne (UE) est prête à "soutenir le peuple malien dans le rétablissement d'un gouvernement légitime et responsable sur l'entièreté du pays", a affirmé sa chef de la diplomatie, Catherine Ashton, qui a aussi dénoncé "la destruction brutale et gratuite des mausolées et lieux saints de Tombouctou".

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