Mali : la menace plane sur les manuscrits de Tombouctou
Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour lePar Pauline Pellissier
Alors que les islamistes d'Ançar Eddine ont détruit sept des seize mausolées de la ville, la communauté internationale s'inquiète pour les manuscrits anciens que recèle Tombouctou. Dès l'arrivée des islamistes, en avril, l'Unesco a tiré la sonnette d'alarme et appelé à une action des pays frontaliers pour empêcher un trafic. Le point sur les enjeux et les risques autour de ces trésors documentaires :
- Pourquoi Tombouctou regorge-t-elle de manuscrits ?
Fondée entre le XIe et le XIIe siècle par des tribus touarègues, Tombouctou devient rapidement un grand centre intellectuel et une cité marchande prospère pour les caravanes. Au XVe siècle, une université et plus de 180 écoles coraniques se construisent, accueillant jusqu'à 25 000 étudiants. Les savants affluent, des copistes sont engagés à plein temps pour prendre en note leurs enseignements.
Des centaines de scribes, payés par le roi ou les aristocrates, copient des milliers d'ouvrages de théologie, de littérature, de science, de géographie, d'histoire ou de droit apportés par les commerçants nomades. Sur place sont également élaborés des recueils de poésie et de musique, parfois illustrés de délicates enluminures d'or.Comme l'explique un article du Monde Magazine en juillet 2010, les textes rédigés en arabe ou en peul étaient recopiés sur des omoplates de chameaux, des peaux de moutons, de l'écorce et parfois du papier ramené d'Italie. Aujourd'hui, on appelle "manuscrits de Tombouctou" l'ensemble des documents datant des XIIe et XIIIe siècles, mais également les copies plus récentes des XVIIIe ou XIXe siècles.
- A combien évalue-t-on leur nombre ?
- Où sont-ils stockés ?
- Pourquoi sont-ils menacés de destruction ?
- Quelle est la situation sur place ?
- Qu'est-ce qui peut sauver ces documents ?
L'autre explication avancée pour expliquer la bonne protection des documents, c'est la crainte de voir des secrets de famille éventés. Outre les ouvrages savants, toutes ces caisses contiennent des correspondances, des listes comptables, des relevés administratifs, parfois des journaux intimes, car durant l'âge d'or de Tombouctou, presque tous ses habitants étaient alphabétisés. "J'ai eu accès à des manuscrits prouvant que de grandes familles de Tombouctou sont d'origine juive ; et elles ne veulent pas que cela se sache. J'ai également eu entre les mains le journal intime d'une femme qui, au XVIIIe siècle, avait été mariée à 15 ans à un vieillard de 75 ans, impuissant. Vous comprenez que, dans une société traditionnelle comme la nôtre, ses descendants, des bâtards, refusent catégoriquement que quiconque accède à leurs caisses", expliquait Ben Essayouti
Enfin, deux facteurs encourageants sont à prendre en compte. D'abord, les islamistes répugnent habituellement à pénétrer dans l'intimité des maisons, ce qui faciliterait la conservation au sein des familles. Ensuite, ces manuscrits sont considérés comme un trésor par les Touaregs. S'y attaquer, même au nom de la charia, reviendrait à s'aliéner une grande partie de la population locale, majoritairement touarègue, ce que les nouveaux maîtres islamistes de Tombouctou ne souhaitent sans doute pas.
Pauline Pellissier
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