jeudi 5 juillet 2012

Le Sahel sur la pente tragique de la talibanisation | Atlantico

Le Sahel sur la pente tragique de la talibanisation | Atlantico
Au Mali, sous l'impulsion de groupes radicaux (AQMI et ses satelittes Ansar Eddine), un émirat islamique vient de se créer en plein cœur de l’Afrique. Une situation qui pourrait s'étendre aux zones frontalières, mais qui ne décide pas l'Occident - préoccupé par la crise économique - à intervenir.
 
Un Émirat islamique radical vient de se créer au Mali, sans déclencher autre chose que des protestations verbales.
Un Émirat islamique radical vient de se créer au Mali, sans déclencher autre chose que des protestations verbales. Crédit Reuters
A Tombouctou, ville sacrée du Mali, les extrémistes du mouvement Ansar Eddine démolissent systématiquement les mausolées de saints musulmans, car, d’après eux, on ne peut adorer que Dieu. Ils ont aussi détruit les bars et tous les endroits vendant de l’alcool, battu les enfants qui jouaient à la Playstation et forcé les femmes à se voiler. Radio Bouctou ne diffuse plus que des versets du Coran, toute musique étant interdite.
C’est Kaboul, en 1996.
Plus grave, si l’on peut dire, à Gao, la plus grande ville du nord-Mali, les militants du Mujao (Mouvement Unifié pour le Djihad en Afrique Occidentale) ont chassé de la ville les Touaregs du MNLA (Mouvement Nationale de Libération de l’Awarzad) blessant grièvement leur chef local, le colonel touareg Abdallah Ag Assalat. Il a pu être sauvé grâce à un hélicoptère envoyé du Burkina Fasso par Blaise Compaoré, son président.
Cette semaine a vu la fin de la première phase d’une opération qui paraissait au départ n’être qu’une rébellion des Touaregs nomades vivant dans le nord-Mali, menés par ceux qui avaient servi dans la Légion islamique du colonel Khadafi. Ceux-ci, forts de leur armement sophistiqué et abondant, ont traversé le Niger et bousculé les faibles garnisons de l’armée malienne, à Kidal, Aguelhok, Tombouctou et Kidal.
Occupant 80% du territoire du Mali, mais contrôlant seulement 20% de la population. Touaregs, Peuls, Bambara et tribus arabes installées depuis longtemps comme les Mechdoufs. Ce que personne n’avait anticipé, c’est que dans le sillage de ces Touaregs, religieux modérés, se sont engouffrés les différents groupes islamiques terrés dans le nord Mali : AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) et ses satellites Ansar Eddine et Mujao. À eux tous, quelques centaines d’hommes qui ne s’étaient jamais aventurés dans les villes, sauf pour y prendre des otages.
Or, en quelques semaines, ces Islamistes fanatiques se sont installés dans les trois villes du nord-Mali : Tombouctou, Kidal et Gao.
Dans un premier temps, tout en commençant leur « islamisation » forcée de la population, ils ont cohabité avec les Touaregs. Puis, peu à peu, ils les ont écartés, les laissant rançonner la population. Enfin, la semaine dernière, ils les ont chassés et désarmés, gardant désormais pour eux le contrôle des villes. Créant, de facto, un « État » islamique, un « califat » dans le nord-Mali. Dans la plus complète impunité.
En effet, personne ne semble vouloir s’attaquer à eux. Au nord du Mali, l’Algérie refuse d’intervenir au Sud de sa frontière et voit d’un très mauvais œil la présence occidentale, dans son arrière-cour.
À l’Ouest, la Mauritanie, déjà minée par les islamistes, est bien incapable, en dépit de la présence française, de faire quoique ce soit.
À l’Est, le Niger est dans la même situation, même si des Breguet Atlantic français sont basés à Niamey pour surveiller la zone.
Au Sud, le petit Burkina Faso fait le gros dos, se sachant très vulnérable.
Encore plus au Sud, la CDAO (Communauté d’Afrique Occidentale) fait des gesticulations pour masquer son impuissance.
En effet, militairement, il n’y a rien à opposer aux Islamistes. L’armée malienne n’existe plus, débandée à la suite de l’offensive touareg, et après le coup d’État du 22 mars, qui a chassé l’ancien président Amadou Toumani Touré, dit ATT, réduite à une poignée de Bérets Verts sans matériel, retranchée dans le camp de Kati, sous la houlette du capitaine Amadou Haya Sanogo, l’auteur du putsch.
Ni les Américains, ni les Français n’ont les moyens aériens, avions ou drones armés. Encore moins d’hélicoptères. La CIA opère, à partir de Ouagadougou, des Pilatus de reconnaissance avec un rayon d’action de six cents kilomètres. Même pas assez pour aller survoler Tombouctou.
Un Émirat islamique radical vient donc de se créer sous nos yeux au cœur de l’Afrique, sans déclencher autre chose que des protestations verbales. Avec de conséquences potentielles très graves...
D’abord, les islamistes disposent désormais d’aéroports. Ce qui leur permet des contacts plus faciles que lorsqu’ils étaient terrés dans la région montagneuse de l’Adrar. Ils peuvent donc prendre des contacts et recevoir des armes. Déjà, on a signalé à Gao la présence de membres de Boko Haram, la secte islamiste nigériane à la radicalité connue. De Tombouctou, ils ne sont qu’à quinze heures de piste de Bamako. Ce qui leur permettrait éventuellement de venir faire un raid pour se procurer des otages.
Personne n’est en mesure de les arrêter. Du Nord Mali, ils peuvent facilement déstabiliser le Sénégal, le Burkina, la Guinée Conakry et le Niger. Et seulement pour commencer !
Absorbée par les problèmes de l’Europe, la France a sur ce sujet une attitude presque "négligée". Il faudrait mieux se réveiller avant une catastrophe prévisible

Aucun commentaire: