mardi 3 juillet 2012

Mali : pourquoi les islamistes s'attaquent aux musulmans - Le Point

Mali : pourquoi les islamistes s'attaquent aux musulmans - Le Point
Mali : pourquoi les islamistes s'attaquent aux musulmans
Le Point.fr- Publié le 02/07/2012 à 20:48

Les combattants d'Ansar Dine ont détruit sept mausolées sacrés de Tombouctou, avant de s'en prendre à une mosquée. Décryptage.

"Dieu, il est unique. Tout ça, c'est "haram" (péché)", a déclaré Sanda Ould Boumama, porte-parole d'Ansar Dine à Tombouctou. "Dieu, il est unique. Tout ça, c'est "haram" (péché)", a déclaré Sanda Ould Boumama, porte-parole d'Ansar Dine à Tombouctou.©AFP
Un "crime de guerre". Voila comment la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a qualifié la destruction depuis samedi de mausolées de Tombouctou par les touareg islamistes d'Ansar Dine (Défenseur de l'islam, en arabe, NDLR). En deux jours, l'organisation salafiste djihadiste a détruit à coups de pioche, de houe et de burin sept des seize temples de la "cité des 333 saints", ville mythique de l'islam africain fondée au XIe ou XIIe siècle, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1988. Une démolition qui n'est pas sans rappeler la destruction par les talibans des bouddhas de Bamyan, onze ans plus tôt, en Afghanistan.
À Tombouctou aussi, c'est aux cris de "Allah Akbar" que les islamistes ont accompli leur basse oeuvre. "Dieu, il est unique. Tout ça, c'est haram (péché). Nous, nous sommes musulmans", a déclaré à l'AFP Sanda Ould Boumama, porte-parole d'Ansar Dine à Tombouctou, avant d'avertir que "tous les mausolées" de la ville seraient détruits "sans exception". Les islamistes affirment avoir agi en représailles à la décision prise jeudi par l'Unesco de classer Tombouctou au patrimoine mondial en péril, pour alerter la communauté internationale sur les dangers pesant sur la cité. Sur son site internet, l'organisation onusienne explique que les mausolées des saints ont une grande importance à Tombouctou et sont "des composantes essentielles du système religieux, dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers".

Purifier la société

"En agissant ainsi, les combattants d'Ansar Dine répondent à l'Unesco que ces mausolées ne sont pas un patrimoine, mais des symboles d'idolâtrie", explique André Bourgeot, chercheur au CNRS. "Ces salafistes djihadistes, qui veulent purifier la société, ne reconnaissent qu'un seul Dieu, sans aucun autre intermédiaire", ajoute le spécialiste du Mali. "Ainsi, tout culte voué aux saints relève pour eux de pratiques païennes." Outre les temples, les combattants n'ont pas hésité à profaner l'entrée d'une importante mosquée du XVe siècle.
"La légende veut que la grande porte de la mosquée de Sidi Yaha reste fermée jusqu'au Dernier Jour", a indiqué à Reuters l'imam de la cité aux 333 saints, Alpha Abdoulahi. "Huit hommes d'Ansar Dine ont forcé l'entrée de la mosquée avant de m'offrir en dédommagement 50 000 FCFA (80 euros), ce que j'ai refusé en disant que ce qu'ils avaient fait était irréparable." "La destruction est un ordre divin", a souligné de son côté Oumar Ould Hamaha, autre porte-parole de la faction islamiste. "C'est notre prophète qui a dit que chaque fois que quelqu'un construit quelque chose au-dessus d'une tombe, cela doit être remis par terre. Nous devons faire cela pour que les générations futures ne soient pas troublées, et commencent à vénérer les saints comme s'ils étaient Dieu."

Flagellation publique

L'organisation islamiste, qui souhaite imposer la charia dans l'ensemble du pays, a profité du coup d'État militaire du 22 mars dernier pour s'imposer sur une armée malienne dénuée de tout commandement dans le nord du pays. Alliée dans ce combat aux touareg laïques du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Ansar Dine s'en est rapidement débarrassée lorsqu'elle s'est emparée de Tombouctou. "Il faut dire qu'ils sont totalement rangés derrière al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) qui leur a donné une puissance armée et financière", explique Antoine Glaser (1). Forts de ce soutien, ainsi que de celui de soldats algériens, les islamistes n'ont eu aucun mal à mettre leurs menaces à exécutions. Femmes voilées, fumeurs fouettés ou jeunes empêchés de regarder la télévision, ils n'ont pas tardé à provoquer de vastes mouvements de protestation dans un pays qui s'est toujours voulu laïque. En vain.
Le symbole le plus marquant de ce nouvel ordre a sans doute été la flagellation publique, puis le mariage forcé, d'un jeune couple adultère de Tombouctou. Du jamais-vu au Mali. Mais cette violente reprise en main ne serait pas qu'idéologique. "En détruisant tous ces symboles, Ansar Dine entend désormais exister politiquement", affirme Antoine Glaser. "D'une part, l'organisation entend humilier les grandes familles touareg de la ville, proches du MNLA, en s'attaquant aux tombes de leurs ancêtres. De l'autre, elle compter s'affirmer vis-à-vis de sa maison mère, c'est à dire Aqmi."
Le groupe terroriste, filiale d'al-Qaida, sort en effet grand vainqueur de la crise malienne. Fort des succès d'Ansar Dine dans le nord du pays, il s'est emparé d'un gigantesque terrain d'entraînement pour mener ses actions, en Afrique comme en Europe.
REGARDEZ. Les islamistes d'Ansar Dine détruisent un mausolée classé au patrimoine mondiale de l'humanité :



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Par
(1) Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique, coauteur de Sarko en Afrique, avec Stephen Smith (Éditions Plon)

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