mardi 24 juillet 2012

Moussa MARA : « la guerre est inévitable » | MaliActu

Moussa MARA : « la guerre est inévitable » | MaliActu

1.Quel diagnostic pouvez-vous faire de cette triple crise ? Les trois crises bien qu’impactant sérieusement la vie des maliens ne sont pas vraiment du moins la crise alimentaire par rapport aux deux autres ayant elles des liens évidentes.

La crise alimentaire est une conséquence directe de la mauvaise pluviométrie de l’année dernière conjuguée avec un renchérissement des prix des produits de consommation importés et à une baisse du niveau de vie dans le monde rural. Elle est en passe de devenir structurelle avec le changement climatique et la variation à la hausse des prix d’hydrocarbure qui conditionnent ceux de beaucoup d’autres produits. Nous devons faire attention et
 nous attaquer aux reformes structures vers une souveraineté alimentaire, véritable gage de la sécurité alimentaire à long terme. Notre pays en a les moyens, il lui faut trouver la volonté politique forte dans un cadre de collaboration durable avec les partenaires dont nos voisins et les acteurs développement (bailleurs de fonds, instituts de recherche…).
Les deux autres crises sont liées, l’une (le Nord) ayant conduit à l’autre (renversement du Président Touré).La crise au Nord est endémique et est favorisée par le traitement très laxiste de cette questions depuis plusieurs décennies, l’absence d’autorité d’ET et même l’absence d’Etat au nord, le soutien par l’Etat de particularismes encourageant des comportements criminels, la déstructuration de l’armée depuis au moins quinze ans et la persistance dans la zone de plusieurs acteurs criminels qui en ont fait leur sanctuaire. A ces insuffisances structurels est venu s’ajouter les conséquences de la revolution libyenne permettant à certains bandits de s’armer et à d’autres de revenir en armes au mali, augmentant la pression et créant une certaine panique à la tête de l’Etat. L’attitude de ce dernier, privilégiant toujours les négociations et les concessions, a fini de convaincre les groupes armés de sa faiblesse et donc de l’opportunité de gagner du poids et du terrain en l’attaquant. C’est ce qui est arrivé avec les conséquences que l’on sait tous. L’armée humiliée et en débandade a vu une de ses composantes s’en prendre, non sans raison, au pouvoir du président Touré et le renverser.
Il faut déplorer ce coup d’Etat qui marque un net recul de la démocratie malienne mais en même temps il faut savoir que c’est la décrépitude de l’Etat qui a entrainé le coup d’Etat et non le contraire. Posons donc les diagnostics appropriés, sortons de la guerre de positionnement politique pour regarder lucidement l’avenir et poser les bases d’un renouveau de l’Etat malien!
2.Quel bilan pouvez-vous en tirer ?
Il me semble un peu prématuré de parler de bilan mais plutôt de conséquence immédiate. Plus de 300 000 de nos compatriotes ont été obligés de fuir leur demeure, leur foyer et leur vie pour se retrouver dans des conditions précaires à l’extérieur du pays ou à l’intérieur, principalement à Mopti et à Bamako. Plus de deux millions de maliens aujourd’hui sont menacés de famine et vivent dans des conditions de vie précaires, essentiellement dans la bande sahélienne, du cercle de Kayes au Nord en passant par Nioro, Kolokani, Banamba, Teninkoun ou encore Koro. Enfin trois mois après le coup d’Etat, la transition a du mal à démarrer, essentiellement en raison des turbulences politique et de l’incapacité de la classe politique à s’entendre pour avancer. Certains intéressés uniquement par leur propre situation et d’autres voyant des opportunités à saisir. C’est peut-être là l’un des signes de découragement les plus importants quant à la possibilité de trouver une bonne issue à la crise institutionnelle dans notre pays. Mais gardons l’espoir et battons-nous pour faire entendre raison aux uns et aux autres!
3.Quelles pistes de solutions préconisez-vous pour le rétablissement de l’intégrité territoriale et de la normalité démocratique.
Il faut impérativement relancer la transition en essayant d’établir un consensus quant à sa conduite. Personnellement je préconise la stabilité des organes de transition et le maintien des équipes déjà en poste: le Président TRAORE, le Gouvernement de Cheick Modibo DIARRA, l’assemblée nationale…..Aucun des acteurs politiques nationaux n’est présent dans le Gouvernement qui apparaît ainsi plus neutre. Ensuite on observe un certain équilibre entre les forces qui ont accompagné le Président renversé (Présidence de la Transition et Assemblée nationale) et celles qui aspirent au changement avec un Gouvernement constitué de cadres indépendants, compétents et qui auront à cœur d’organiser des élections transparentes et crédibles pour enfin relancer la démocratie malienne. Après cette stabilisation de la transition on pourra lancer la résolution des problèmes au Nord. Sur ce dossier, un bon cadre de collaboration existe déjà avec la CEDEAO dont une équipe d’experts militaires a séjourné à Bamako afin de mettre la dernière main au plan opérationnel de reconquête du Nord. Ce plan doit privilégier le positionnement de l’armée malienne à l’avant-garde des opérations, ne serait que dans un second temps la sécurisation de l’espace qui durera sans doute longtemps nécessitera une présence à long terme sur le terrain, ce qui est la vocation de nos forces armées et de sécurité. La guerre est inévitable au Nord et ce sera une guerre de longue haleine et principalement une guerre malienne, à nous de nous y preparer donc. Mais c’est une guerre nécessaire et surtout elle permettra enfin d’assurer le retour de la République au Nord de notre pays. Un retour qui conditionne la fin des rebellions à répétition, la fin des comportements criminels, la fin de l’impunité et de l’injustice, la fin des recrutements ethniques et des promotions ethniques, la fin des passe droits et avantages aussi indus que scandaleux dont ne bénéficie malheureusement qu’un petit groupe d’individus.
Dans le mandarin (une des langues importantes de la chise) il semble que « crise » et « opportunité » soient indiqués par le même mot. C’est dire que la crise constitue aussi une opportunité. Celle de mettre sur les rails un Mali doté d’un vrai Etat, servi par une vraie démocratie pour qu’enfin le grand projet d’indépendance puisse enfin se concrétiser!
Source : Info-matin

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