mardi 30 octobre 2012

Un chef touareg algérien s'oppose à une intervention militaire étrangère dans le nord du Mali

Un chef touareg algérien s'oppose à une intervention militaire étrangère dans le nord du Mali
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Le chef touareg Mahmoud Guemama, élu de Tamanrasset, région algérienne frontalière du nord du Mali, s'est prononcé contre une intervention militaire étrangère dans ce pays voisin, dans un entretien publié lundi 29 octobre par le quotidien arabophone Elkhabar. "Ce que demandent les Etats-Unis et la France va causer beaucoup de problèmes, et nous, dignitaires de l'Ahaggar [région où vivent les Touareg algériens], demandons à l'Algérie de continuer à s'opposer à une intervention militaire étrangère et à privilégier le dialogue", a déclaré M. Guemama, qui est député du Front de libération nationale (FLN, parti présidentiel).

M. Guemama réagissait à la démarche entreprise par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) en vue d'une intervention dans le nord du Mali, occupé par des groupes radicaux islamistes. Cette intervention a le soutien de la France et des Etats-Unis, qui sont prêts à fournir une aide logistique.
"DES OBJECTIFS COLONIAUX"
"Nous sommes davantage préoccupés par les villes algériennes du Sahara que par le nord du Mali", a-t-il ajouté. "Nous connaissons le début d'une intervention militaire, mais nous n'en connaissons jamais la fin : la Libye en est un très bon exemple", souligne M. Guemama. "L'intervention étrangère au Mali a des objectifs coloniaux et c'est l'Algérie qui est visée par la crise au nord du Mali", affirme encore le chef touareg. Les Touareg ont des liens familiaux et tribaux de part et d'autres des frontières entre l'Algérie, le Mali et le Niger.
D'abord hostile à une intervention militaire internationale chez son voisin malien et allergique à toute présence étrangère dans son pré carré, l'Algérie a récemment infléchi sa position pour tolérer une intervention africaine à ses frontières, sans toutefois offrir d'y participer. Alger redoute une "déstabilisation" de son territoire, où vivent 50 000 Touareg.
La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, passait quelques heures lundi à Alger pour tenter d'obtenir du président Abdelaziz Bouteflika son soutien à une éventuelle intervention militaire internationale dans le nord du Mali pour en chasser les islamistes. "L'Algérie étant l'Etat le plus puissant du Sahel, elle est devenue un partenaire crucial pour s'occuper d'AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique)", a expliqué un responsable du département d'Etat, à bord de l'avion de Mme Clinton. Pour sortir de la crise malienne, "l'Algérie doit être au centre de la solution" a-t-il insisté.
Depuis avril, des éléments radicaux armés d'AQMI et leurs alliés touareg d'Ansar Dine et du groupe djihadiste Mujao occupent le nord du Mali, imposant la charia et une partition de ce pays qui partage 1 400 km de frontière avec l'Algérie

La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (1/2) - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (1/2) - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (1/2)

dimanche 28 octobre 2012

Ceux qui veulent nous faire croire que la « crise malo-malienne » résulte de « l’occupation » du Nord du Mali par des groupes terroristes et des organisations mafieuses nous trompent et se trompent. Dans la perspective d’une intervention militaire « internationale » dont nul ne dit en quoi elle peut consister ; et, surtout, contre qui elle doit être dirigée.

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La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (1/2) Qu’il y ait des groupes terroristes et des organisations mafieuses qui surfent sur cette crise, rien de plus normal : ils étaient là bien avant que Bamako n’implose ; et en « terrorisant » la population locale, ils renforcent leur ancrage sur un vaste territoire qui, plus encore que par le passé, devient une zone grise d’où l’Etat malien et ses démembrements ont totalement disparu au profit d’une nébuleuse islamique qui pense trouver dans la charia une réponse aux problèmes d’organisation d’une société humaine musulmane, certes, mais foncièrement laïque.
La « crise malo-malienne » résulte de la décomposition, engagée depuis plusieurs années déjà, de la République, de l’Etat, de l’armée, de l’administration, de la société civile, etc. sous la férule d’une classe politique qui n’a ambitionné que de s’adonner aux « affaires » dans une contexte de laxisme et de corruption favorisé, justement, par la présence dans le Nord du pays, de groupes terroristes et d’organisations mafieuses. C’est pourquoi il ne sert à rien d’affirmer, jour après jour, que « la seule façon de régler le problème est militaire ».
C’est pourquoi aussi la démarche engagée, dès le départ, par ceux qui prônent une médiation, a visé à changer la donne à Bamako tout en maintenant le contact avec les groupuscules qui « occupaient » le Nord dans la perspective d’instaurer un dialogue. Il fallait faire avec ce que l’on avait sous la main : des Maliens pas très malins, des mafieux méfiants et des terroristes qui restaient terrés. Un président de la République et un premier ministre intérimaire, quelles que soient leurs limites, cela valait mieux que l’équipe de bras cassés qui a envoyé, quasiment sans coup férir, Amadou Toumani Touré, sa famille et ses proches « se dorer la pilule » sur les plages sénégalaises. Pas de quoi susciter l’enthousiasme ; mais c’était quand même moins pire qu’avant… !
C’était surtout s’efforcer de démontrer que la « crise malo-malienne » était politique et que sa solution était, du même coup, politique. Mais ceux qui veulent la guerre veulent surtout le chaos dans la région, des rives de la Méditerranée aux rives de l’Atlantique et jusqu’au lac Tchad. Et ainsi n’avoir pas à apporter de solution pérenne au problème politique qui se pose à Bamako. La situation actuelle ne résulte pas d’une soudaine montée en puissance des groupes terroristes et des organisations mafieuses dans le Nord du Mali mais du sentiment d’injustice qui animait les Touareg et les autre ethniques « sahélo-sahariens ». Un sentiment qui n’est pas né d’aujourd’hui, ni d’hier.
Certes, la médiatisation que les « islamistes radicaux » ont mise en place a, depuis, occulté la revendication des Touareg ; mais elle n’est qu’occultée et rien de pérenne ne pourra être entrepris sans les peuples du Nord qui n’ont aucun intérêt, à terme, à laisser les « islamistes radicaux » phagocyter une revendication territoriale qui est d’abord l’expression d’une volonté de reconnaissance culturelle. D’autant moins intérêt que ces « islamistes radicaux » sont perçus, au Nord, comme des étrangers et n’y ont aucun ancrage politique et social ; hormis exercer une « terreur » stérile, quel peut-être leur programme ?
Les « islamistes radicaux » ont pris le pouvoir dans le Nord sans avoir à faire la guerre à qui que ce soit ; de la même façon « l’armée » malienne a délogé du pouvoir, à Bamako, un général très particulier. C’est dire la déliquescence dans laquelle était la République du Mali. Et ce n’est pas avec quelques coups de pinceaux (Traoré et Diarra) qu’on va pouvoir repeindre démocratiquement sa façade. L’Afrique des présidents, certes, sait faire illusion quand il le faut : une conférence internationale, et hop, on goudronne un bout d’avenue, on lave quelques drapeaux, on dégage au bulldozer les gourbis près de l’aéroport et on choisi les plus jolies hôtesses pour les mettre au premier rang. Ni vu ni connu. Si c’est tout bon pour demain, cela laisse du temps pour voir ce qu’on fera après-demain.
A Bamako, les hôtesses ce sont Traoré et Diarra. Un président de l’Assemblée nationale et un « honnête homme ». Chez moi, on appelle cela un « cache-misère ». Une solution qui ne satisfait pas Washington. Hillary Clinton, lors de la conférence sur le Sahel, le 27 septembre 2012, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, a considéré que seul « un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au Nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l’Etat de droit » (cf. LDD Mali 049/Mercredi 3 octobre 2012). C’est une position radicale amusante de la part d’un pays qui a « produit » le plus grand nombre de gouvernements « fantoches » dans le monde en Asie, en Afrique, en Amérique latine, au Proche et au Moyen-Orient et même en Europe. Hillary, par ailleurs, ne dit pas comment on peut organiser une élection démocratique dans un pays coupé en deux et dont une partie est occupée par des groupes armés.
Cette radicalisation de Washington, très diplomatique, est simplement l’expression que le volontarisme des « va-t-en guerre » se heurte aux réalités du terrain malien et… à la géopolitique africaine. C’est à Alger – la capitale la plus opposée à toute idée d’intervention militaire – que le général Carter F. Ham, commandant en chef de l’Africom, vient de rappeler la position US sur ce dossier : pas de présence militaire américaine au Mali ; priorité à une solution politique et diplomatique ; rétablissement d’un gouvernement légitime à Bamako ; recherche d’une solution par le Mali lui-même et les acteurs régionaux ; dialogue avec les groupes et les éléments au Nord du Mali excepté les groupes terroristes. Ham a insisté sur la nécessité qu’il y avait à « faire la distinction entre les groupes armés dans cette région et définir ceux qui sont terroristes et les groupes qui ne le sont pas ». Ce qui conduit à remettre sur le devant de la scène le Mujao, Ansar Dine, le MNLA… Mais, dans le même temps, Ham ne dit pas comment on distingue un groupe terroriste d’un groupe armé.
C’est dire qu’il n’y a pas de solution globale à cette crise : pas plus dans le camp des « va-t-en guerre » que dans celui des médiateurs tous azimuts. Normal d’ailleurs : cette situation chaotique (pour ne pas dire « merdique ») résulte d’une « guerre » déclenchée par le MNLA mais doublement perdue (face à Bamako ; face aux « islamistes radicaux ») par ce même MNLA sans jamais avoir été réellement menée, d’un coup d’Etat militaire foireux qui n’a même pas eu à renverser le régime en place (ATT s’est tiré comme un lapin, s’est caché puis a pris la fuite sans résister mais il est vrai qu’il n’en avait ni l’ambition ni les moyens), d’une conquête du territoire qui s’est arrêtée d’elle-même du côté du 15ème parallèle sans que l’on sache qui sont vraiment les « conquérants » ni pourquoi ils n’ont pas entrepris de pousser plus loin leur avantage, sans que l’on sache, non plus, ce qu’ils veulent faire de leur « pouvoir » au Nord du 15ème parallèle. Qui menacent-ils, d’ailleurs, ces « conquérants » ? Leurs exactions vis-à-vis des populations locales sont-elles plus dramatiques que ce que subissent les Congolais (et les Congolaises) au Kivu, que ce qu’a connu le Darfour voici quelques années ou la Côte d’Ivoire lors de la guerre civile de 2010-2011… ?
Les pays frontaliers (Mauritanie, Algérie, Niger, Burkina Faso) sont-ils directement menacés par les « conquérants » du Nord ? L’armée malienne et la population civile sont-elles confrontées à des bombardements meurtriers, avec des moyens militaires disproportionnés ? Où se trouve la ligne de front ? Qui sont les « bons » et qui sont les « méchants » ? (ainsi, selon le ministère malien de la défense, l’armée aurait enregistré plus d’un millier de déserteurs qui auraient rejoint la rébellion ou, simplement, quitté le pays).
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

Ançar Eddine, l’autre pomme de discorde entre Alger et Paris - International - El Watan

Ançar Eddine, l’autre pomme de discorde entre Alger et Paris - International - El Watan

Ançar Eddine, l’autre pomme de discorde entre Alger et Paris

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le 30.10.12 | 10h00 Réagissez

La course contre la montre enclenchée le 12 octobre dernier par le Conseil de sécurité de l’ONU pour trouver un plan de sortie de crise au Mali comprenant un concept militaire opérationnel a déclenché un important activisme diplomatique au Sahel.

Les principaux groupes touareg impliqués dans la rébellion dirigée contre Bamako, pour ne citer qu’eux, ont multiplié les contacts avec les acteurs-clés du dossier (Algérie, Cédéao et France) pour s’assurer d’abord qu’il ne feront pas les frais de l’opération militaire destinée à «libérer le nord du Mali» des mains des terroristes d’AQMI (opération qui semble, dans l’absolu, avoir requis l’unanimité) et tenter, ensuite, de convaincre qu’ils sont des partenaires incontournables dans le règlement de la crise.
Bien qu’affaibli et neutralisé militairement par Ançar Eddine, son concurrent dans l’Azawad, le Mouvement pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui s’est mué dernièrement en Conseil transitoire de l’Etat de l’Azawad (CTEA) ne désespère pas ainsi de se voir repêché par la communauté internationale.
Pour devenir «fréquentables» aux yeux des leaders de la région et continuer à exister, certains chefs du mouvement indépendantiste sont même allés jusqu’à renoncer à l’indépendance de l’Azawad, dont d’ailleurs l’Algérie et la France ne veulent pas entendre parler. Leurs «efforts» paraissent avoir quelque peu payé puisque l’Algérie, la Cédéao et la France ont accepté (ou seraient sur le point de le faire) de prendre langue avec eux. Mais compte tenu de son incapacité à influer sur le cours des événements, les observateurs soutiennent que le MNLA, créé fin 2011 par Mohamed Ag Najim et Bilal Ag Cherif, pourrait, au mieux, se voir conférer un rôle de joker ou servir d’alibi local pour une intervention militaire.
Quid maintenant de l’autre mouvement rebelle touareg, Ançar Eddine, qui contrôle l’essentiel des localités du nord du Mali et qui a reçu, dès sa création, la bénédiction de l’Amenokal (le chef traditionnel) de la grande tribu touareg des Ifoghas, le vieil Intallah Ag Attaher ? Il faut reconnaître que ce groupe qui se dit opposé à l’indépendance de l’Azawad mais qui, néanmoins, revendique l’instauration de la charia (la loi islamique) suscite des réactions contradictoires au sein de la communauté internationale. Alors que l’Algérie a déjà pris langue avec lui dans l’optique certainement de l’injecter dans un processus de dialogue politique, le gouvernement français considère ce groupe comme une sorte de «filiale touareg» d’Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) qu’il faut absolument combattre.
Définir les cibles à abattre
Cette idée est défendue par Paris d’autant, affirme-t-on au Quai d’Orsay, qu’Ançar Eddine n’a pas encore voulu se démarquer du groupe terroriste. «La position française est qu’il doit y avoir un dialogue politique au Mali si on veut une solution durable à cette crise. Ce dialogue doit se nouer entre les autorités maliennes et les individus et groupes non terroristes (…) Pour Ançar Eddine, je n’ai pas vu de prise de position en ce sens de leur part. Il me semble en avoir vu de la part du MNLA (autodétermination sans séparatisme)», a déclaré, vendredi dernier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
A Alger, le son de cloche est tout autre. On fait même un net distinguo entre Ançar Eddine – né en réalité d’une scission du MNLA – et des groupes comme Aqmi ou le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest). Pour les autorités algériennes, il n’est tout simplement pas raisonnable d’évoquer l’avenir de l’Azawad sans associer ce groupe au regard de la popularité et de l’influence qu’il a dans la région. L’on mentionne d’ailleurs à ce propos que l’un des bras droit de Iyad Ag Ghali, le leader d’Ançar Eddine, n’est autre que Alghabass Ag Intallah, le fils de l’Amenokal qui est lui-même prédestiné à devenir le futur guide des Touareg.
Et dans l’esprit des responsables algériens en charge de la crise malienne, il paraît évident qu’assimiler les Touareg maliens (ici Ançar Eddine) dont «les revendications sont légitimes» aux terroristes du couple Aqmi-Mujao ou aux narcotrafiquants qui sévissent dans la région ne fera qu’aggraver la crise. La crainte de l’Algérie – qui compte aussi parmi sa population des Touareg – est de voir, à terme, cette crise déborder chez elle.
Au lieu de céder, dans le cas du Nord-Mali, à la tentation qui consiste à taper aveuglément dans le tas ou encore à jeter le bébé avec l’eau du bain, l’Algérie recommande plutôt que l’on définisse au préalable minutieusement les cibles à abattre avant de se lancer dans une offensive militaire. Justement, si ce travail n’a jusque-là pas été fait, c’est que, dans la région, l’on n’est pas encore parvenu à s’entendre sur ce que devra être l’Azawad de demain.
Zine Cherfaoui

La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (2/2) - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (2/2) - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (2/2)

lundi 29 octobre 2012

Faut-il accorder autant d’importance à ce qui se passe au Mali et notamment dans le Nord ? (sait-on d’ailleurs « vraiment » ce qui s’y passe ?). Les diplomates ont fait de ce dossier le thème de leurs rencontres et les médias en font leur « une » jour après jour. Sans que grand-chose ne bouge. Et plus de huit mois après le déclenchement de la « guerre » contre Bamako par le MNLA, tout ce qui a été entrepris jusqu’à présent apparait totalement stérile.

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La rébellion au Mali n’a rien de la révolution promise. C’est juste un constat d’échec… général (2/2)Cette « rébellion », mal préparée et plus mal menée encore, n’a pas été la « révolution » promise qui devait éradiquer un régime corrompu qui était en connexion avec les groupes terroristes et les organisations mafieuses qui, déjà, sévissaient dans le Nord du Mali ; cette « révolution » qui entendait mettre un terme à l’ostracisme de Bamako à l’égard des Touareg, pendant malien de celui en vigueur en Guinée à l’encontre des Peuls, en Côte d’Ivoire vis-à-vis des Dioula… Mais l’échec du MNLA n’a pas été racheté par la réussite d’Amadou Toumani Touré. Face à la crise, il a préféré se boucher les oreilles et faire « comme si » tout allait bien, affirmant que le Mali allait poursuivre son petit bonhomme de chemin jusqu’à l’élection présidentielle à laquelle toutes les « élites » du pays étaient candidates.
Le MNLA a échoué, ATT a échoué. Que dire de ces officiers subalternes qui ont voulu, eux aussi, nous laisser croire qu’ils prenaient le pouvoir pour aller combattre la « rébellion » qui avait pris possession du Nord. On allait voir ce qu’on allait voir. On n’a rien vu du tout. Le MNLA a échoué, ATT a échoué, la junte a échoué. Mais il restait encore du monde pour nous faire croire que cela n’allait pas durer. La Cédéao, qui venait tout juste de renouveler ses dirigeants (un président ivoirien et un président de Commission burkinabè, difficile de rêver mieux dans le contexte d’alors), s’emparait du dossier et annonçait à tout va que demain serait un autre jour. Demain c’était hier ; et même avant-hier ! Là encore, on n’a rien vu.
Le MNLA a échoué, ATT a échoué, la junte a échoué, la Cédéao a échoué. Pas grave. Il y a du monde en réserve. Les Mauritaniens et les Algériens concernés, au premier chef nous disait-on, par ce qui se passe dans ce foutu « corridor sahélo-saharien ». Concernés mais pas tant que ça et le sommet de l’Union africaine s’est déroulé sans qu’aucune solution concrète n’apparaisse à l’horizon. Alors, bien sûr, dans ces cas-là, quand on ne sait plus quoi faire, on va faire un tour à New York, du côté des Nations unies et on s’enthousiasme soudainement pour la France – Paris étant un hub aérien pour se rendre depuis l’Afrique aux Etats-Unis (la géopolitique est aussi formatée par les réseaux aériens). « Cela a été un moment fort de voir un membre permanent du Conseil de sécurité intervenir avec autant de détermination et de clarté. Je me suis dit que c’est le début de la fin pour la crise au Mali ».
Celui qui se prend ainsi de passion pour la diplomatie française aux Nations unies s’appelle Cheick Modibo Diarra ; il est Premier ministre du Mali. Il a été « vraiment frappé par le leadership dont le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le président François Hollande ont fait preuve à New York ». Ouuaaah, j’en suis tout retourné et mon passeport français (pardon, européen), en frétille de bonheur. Diarra voit déjà la France faire « le premier pas », les « Mirage français s’engager » et nos « forces spéciales » se joindre aux forces armées maliennes. « Tout est ouvert », affirme Diarra sans rire.
Toujours sans rire, Diarra va continuer dans la même veine : « Le leadership d’une nation se mesure aussi à sa capacité de ne pas se faire prendre tout entier en otage. Sans oublier ses otages, la République française est en train d’assurer son rôle de leader mondial. D’autres Etats se seraient recroquevillés, AQMI aurait dicté sa politique étrangère. Le fait que le président Hollande ait rejeté cela est remarquable et applaudi partout dans le monde »*. On aurait aimé que tant de détermination politico-militaire soit aussi le fait de la République malienne concernée au premier chef par cette affaire. Quoi qu’il en soit, Jean de La Fontaine a déjà dit au XVIIème siècle ce qu’il en était des « flattés » et des « flatteurs ».
Tout ce beau monde parlant français, on se demande où Diarra trouve ses infos** ; et si Paris – ce qui n’est pas, actuellement, le cas – était déterminé à entrer en guerre au Mali, y aurait-il intérêt à aller le clamer du haut des minarets ? Par ailleurs, pourquoi donc Diarra refuse de prendre en compte la réalité : sans affirmer que les « terroristes » sont, au Nord du Mali, comme des « poissons dans l’eau », ils y sont, globalement, mieux perçus que les « gens de Bamako » qui n’ont jamais rien fait pour Gao, Tombouctou, Kidal… Paris cherche d’ailleurs à se défaire de cette image de « va-t-en guerre » que lui collent Bamako et Abidjan, en s’efforçant non seulement de gagner du temps (ce n’est pas le plus difficile, on est loin encore du vote d’une résolution du Conseil de sécurité et celle-ci votée il faudra des mois pour que les militaires bougent) mais, aussi, en « mouillant » l’Union européenne. Le terrorisme y est une préoccupation mais pas une obsession : Bruxelles sait que la situation au Mali n’est pas celle décrite par Diarra ; il y a un problème pendant qui est celui des Touareg et un problème politique qui est celui de la fiabilité de la classe dirigeante. Autrement dit : au Nord-Mali, il n’y a pas que des « terroristes », il y a aussi des populations qui en ont assez d’être les laissés pour compte de gouvernements gangrénés par la corruption.
La question cruciale est de savoir ce que Bamako veut faire du Nord-Mali au-delà de l’humiliation que subit la République, l’Etat, la Nation de voir son territoire conquis par des forces dont nul ne sait la véritable finalité (la création d’un califat musulman dans le « corridor sahélo-saharien » ne saurait être un objectif crédible***). Le MNLA, qui a poussé le pion trop loin (mais pouvait-il en être autrement compte tenu de ce qu’est la nébuleuse touarègue), disait vouloir plus de justice et d’équité, plus de développement dans le Nord pour, justement, éviter que les « islamistes radicaux » ne soient un débouché assuré pour la jeunesse.
L’échec, tout autant de sa tactique que de sa stratégie, a cependant obligé les « islamistes radicaux » a sortir du bois (enfin, plus exactement, de derrière la dune) ; ce qui n’est pas la meilleure chose pour eux. Mais en tirant un trait sur les revendications exprimées par les Touareg et jamais satisfaites par aucun gouvernement malien, et en ne prenant en compte que la présence des « terroristes », Diarra « injurie l’avenir » mais aussi le présent. Et fait le jeu de ces mêmes « terroristes » qui jouent les recruteurs. De son côté, le MNLA portera dans l’Histoire de ce pays (et de la région) la responsabilité d’avoir prôné une révolution ; mais d’avoir échoué dans l’aboutissement de sa rébellion, cédant ainsi, sans vraiment combattre, le terrain à la pire « réaction ».
* Toutes ces citations sont extraites d’un papier signé Christophe Châtelot publié dans Le Monde daté du 30 septembre-1er octobre 2012, papier titré : « Pour une intervention française malgré les otages », extrait de l’entretien plus général accordé par Cheick Modibo Diarra et publié dans ce même numéro.
** Cheick Modibo Diarra a compris rapidement que l’équipe politique en place en France étant nouvelle, elle aurait tendance à se hausser du col sur la scène internationale, d’où les déclarations péremptoires des uns et des autres dont il sait tirer parti. François Hollande décrit ainsi une situation dans le Nord-Mali « insupportable, inadmissible, inacceptable » et Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, la compare à celle de l’Afghanistan, jugeant une intervention militaire « inéluctable ». Ce qui laisse penser, effectivement, que Paris est prêt à s’engager sur le terrain ; ce qui n’est pas le cas.
*** Le renforcement de l’ancrage d’AQMI en Afrique de l’Ouest a été un axe stratégique d’Al-Qaïda défini début 2006 par Abou Azzam dans la revue Sadâ Al-Jihad (« Al-Qaïda se dirige vers l’Afrique »), l’objectif final n’étant pas la conquête de l’Afrique mais l’affaiblissement de l’Europe des « croisés ». Et face à cette menace, Alger, Paris – et plus généralement l’UE – ainsi que Washington ont entrepris de déployer des moyens considérables en matière de renseignement et « d’actions spéciales »
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

Le point de vue américain sur le Mali Hillary Clinton à Alger - Liberté Algérie , Quotidien national d'information

Le point de vue américain sur le Mali Hillary Clinton à Alger - Liberté Algérie , Quotidien national d'information
Le point de vue américain sur le Mali Par : Djamel Bouatta
Aux yeux des Américains, le Mali serait confronté à quatre problématiques étroitement liées et d'égale importance et qui doivent être résolues simultanément pour que le Mali puisse se redresser.

L’administration Obama, qui a rallié in fine la solution militaire proposée, défendue et en préparation, par le président français, estime qu’il faut, au préalable sinon en même temps, favoriser le retour à la normale et à la stabilité dans ce pays, ventre mou du Sahel saharien et dont la partie nord, entre les mains de djihadistes depuis mars dernier, prend progressivement la forme d’une vaste base d’Al-Qaïda dans la région et ses périphéries (Niger, Bénin, Tchad, Nigeria, Soudan jusqu’aux rives de l’Afrique de l’Est en Somalie).
Alger qui a privilégié une solution négociée n'exclut plus une intervention militaire, à la condition qu'elle soit “totalement africaine”. L'Algérie avait souscrit à cette option dans une déclaration conjointe adoptée le 19 octobre à Bamako lors d'une réunion internationale, qui enjoint le Mali à prendre des mesures immédiates pour faciliter les efforts de la communauté africaine se basant sur la résolution 2071 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 12 octobre et ouvrant la voie à un déploiement d'une force internationale de quelque 3000 hommes au Mali et donnant 45 jours à la Cédéao pour préciser ses plans. Les Etats-Unis et la France sont disposés à fournir un appui logistique. Pour en savoir un peu plus sur la position américaine, il suffit de lire les déclarations de Johnnie Carson du département d’Etat qui a participé aux discussions franco-américaines des 22 et 23 octobre sur la sécurité au Sahel et qui y a rencontré des responsables français du ministère de la Défense ainsi que ceux du ministère des Affaires étrangères. Selon le diplomate américain, les deux journées ont permis d’ores et déjà la “coordination” des positions des deux pays. La rencontre qui a vu la participation de responsables du département d’Etat, de la Défense, de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), des Affaires étrangères et de l’Afrique, dévoilera dans un avenir proche ce qui est envisagé par Washington et Paris dans le Sahel, sous le couvert de guerre contre Al-Qaïda et ses franchises régionales. Aux yeux des Américains, le Mali serait confronté à quatre problématiques étroitement liées et d'égale importance et qui doivent être résolues simultanément pour que le Mali puisse se redresser. Un, la principale difficulté est un “problème de gouvernance” : il y a un besoin urgent à ce que le Mali retrouve la voie de la démocratie, ce que l’Algérie partage complètement. “Nous estimons qu’il est essentiel d’avoir une feuille de route et d’établir une stratégie pour organiser des élections d’ici le printemps prochain”, a souligné le sous-secrétaire qui a ajouté que “l’armée ne doit en aucun cas interférer dans les affaires politiques du pays. Il faut absolument rétablir le pouvoir civil”. La deuxième problématique est la question touareg, un “enjeu politique qui n’entre pas dans le champ militaire ou sécuritaire”, a précisé Johnnie Carson. En effet, la question touareg est ancienne et n’a jamais été résolue par le Mali, et l’Algérie a de son côté, à multiples reprises, servi de médiateur et d’intercesseur avec à la clef des accords, les accords d’Alger signés en 2006, qui avaient plus ou moins fonctionné jusqu’au putsch de mars 2012 qui a ouvert la voie à la déferlante djihadiste. Les Touareg, qui s’estiment à la fois politiquement marginalisés et économiquement négligés, ont ces accords d’Alger qui fixent les modalités du développement du nord du Mali et permettaient un retour à une normalisation des rapports entre les Touareg et Bamako, et qui n’ont pas été entièrement appliqués.
Pour Washington, les pays qui viennent au secours du Mali doivent encourager le gouvernement malien à tendre la main et à entrer en contact avec les Touareg qui ne sont pas impliqués dans les opérations terroristes. L’Algérie plaide également pour que le gouvernement malien et les rebelles touareg ouvrent dès que possible une négociation. Troisième axe, le terrorisme. “Nous devons efficacement combattre, vaincre et chasser Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) du nord du Mali, afin de rétablir l’intégrité territoriale du pays. Ce en quoi nous croyons fermement”, a déclaré le collaborateur d’Hillary Clinton. Sur cette question, Alger et Washington semblent être sur la même longueur d’ondes. Alger a souscrit pleinement à la résolution du Conseil de sécurité qui autorise “l’Union africaine et les autres pays ouest-africains à réfléchir à un plan et une stratégie pour se débarrasser des terroristes”. Enfin, le quatrième volet de la crise malienne vue par les Etats-Unis est que c’est également une crise humanitaire qui touche la région du Sahel. En effet, le coup d’Etat du 22 mars 2012 et la sécheresse ont considérablement aggravé la crise alimentaire, la situation humanitaire est tellement préoccupante qu’elle a généré de nombreux déplacements de populations. 109 000 Maliens se sont réfugiés dans des camps à la frontière de la Mauritanie et 40 000 sont déplacés au Niger.
Pour le nœud gordien des élections nécessaires pour tout retour à la stabilité au Mali, comment organiser des élections dans un pays dont la majorité du territoire est contrôlée par les radicaux islamistes, Johnnie Carson qui souligne que 50 à 55% du territoire malien est actuellement dans les mains des salafistes et rebelles, que les trois principales villes du Nord, Tombouctou, Gao et Kidal, sont sous leur contrôle, estime que “la démocratie et les élections ne sont pas une question de territoire, mais de citoyens ayant la possibilité de voter pour un gouvernement officiel”. Quant à l’intervention militaire proprement dite, pour l’administration Obama, “il est important que le Mali et ses voisins, épaulés bien entendu par l’Union africaine et la communauté internationale, se chargent de cette crise et la règlent”. C’est indispensable a souligné Johnnie Carson, car “il est probable que les salafistes installés dans le nord du Mali veuillent exporter leur idéologie hors des frontières maliennes, afin de s’étendre dans les autres Etats de la région”.

D. B

Mali: Iyad Ag Ghaly, le nouveau maître islamiste du nord | Slate Afrique

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Iyad Ag Ghali, celui qui a planté le drapeau noir sur Tombouctou | Slate Afrique

Iyad Ag Ghali, celui qui a planté le drapeau noir sur Tombouctou | Slate Afrique

Un nouvel homme fort islamiste s’impose au Sahel. L'influence croissante d'Iyad Ag Ghali lui donne une foule de mauvaises idées.

Iyad Ag Ghali, août 2012. © ROMARIC OLLO HIEN / AFP
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Son penchant pour la boisson, pour les femmes et son élégante moustache l’avaient rendu célèbre.
Sa carrière haute en couleur le vit jouer les rôles de diplomate, chef rebelle et de négociateur avec les preneurs d’otages d’al-Qaida.
Aujourd’hui, Iyad Ag Ghali —surnommé le «Lion du désert» au sein de sa communauté— se taille une toute nouvelle réputation de commandant militant et d’éminence grise islamiste dans un coin stratégiquement sensible d’Afrique du Nord.
Tout porte à croire que son importance ne fera que croître au cours des mois à venir. La rébellion qui a éclaté au début de l’année au nord du Mali, alimentée par des armes échappées de la révolution de la Libye voisine, était au départ un conflit ethnique séparatiste.
Or, elle est de plus en plus dominée par Ansar Dine, le mouvement islamiste radical dirigé par Ag Ghali —ce qui laisse entrevoir la possibilité que la région sécessionniste devienne unnouveau refuge pour djihadistes et une source d’instabilité permanente en Afrique du Nord.
Le président français, François Hollande, a fait adopter une résolution par le Conseil de sécurité de l'ONU dans la perspective d’une intervention au Mali, et son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé, le 16 octobre, qu’une intervention militaire n'était qu’une«question de semaines».
Washington a donné sa bénédiction à l’implication militaire d’un groupe d’Etats africains désireux de contenir les éventuels effets secondaires émanant du nouveau mini-Etat d’Ansar Dine.
Il a même été question que l’administration Obama organise des frappes de drones contre des membres d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), un groupe qui a cherché refuge auprès des islamistes dans le nord du Mali et que les responsables américains relient à l’attentat qui a causé la mort du diplomate Christopher Stevens le mois dernier en Libye.
La suite des événements dépendra en grande partie des talents de politicien et de chef militaire d’Ag Ghali.
Ces derniers mois, il a fait grand étalage de son savoir-faire et stupéfié les observateurs de la région en obtenant une victoire politique et militaire convaincante sur ses alliés d’autrefois, le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), dernière incarnation en date d’une longue lignée de groupes rebelles qui manifestent violemment en faveur de l’indépendance pour les Touaregs du nord du pays.

La charia, son vieux rêve devenu réalité

Si les Touaregs partagent la foi musulmane avec d’autres Maliens, le MNLA ne s’est jamais distingué par son militantisme religieux—contrairement à Ansar Dine, dont l’objectif est l’unification du Mali sous l’islam et la charia. Le MNLA se consacre à un Etat indépendant et laïc qu’il appelle Azawad (que l’on peut traduire par «la terre des nomades») et à l’opposition aux groupes islamiques qui agissent dans le nord.
Ag Ghali a déjà commencé à réaliser son rêve d’imposer la charia. Musique, télévision et cigarette sont interdits dans les zones sous son contrôle, et les soldats d’Ansar Dine punissent les femmes qui ne se couvrent pas correctement à leur goût. Les membres du groupe ont établi des listes de mères célibataires et proposent de l’argent aux couples pour qu’ils se marient. Ceux qui n’obtempèrent pas sont harcelés, torturés ou exécutés.
Dans la ville d’Aguelhok, un homme et une femme ont récemment été lapidés à mort pour adultère. A Gao, un jeune homme a eu la main coupée pour vol. Et dans la légendaire ville de Tombouctou, des unités d’Ansar Dine ont détruit plusieurs tombeaux soufis anciens, appartenant à un site classé au patrimoine de l’humanité par l’Unesco et critiqués par les musulmans ultra-conservateurs qui y voyaient un symbole de croyances non-orthodoxes.
La montée en puissance d’Ansar Dine suscite des inquiétudes en Occident où l’on craint la création possible d’un nouveau point de liaison islamiste dans une région du monde dont la stabilité a longtemps semblé fiable.
Pendant vingt ans, le Mali a entretenu sa réputation de démocratie islamique réussie, statut récompensé par les Etats-Unis et autres donateurs occidentaux à grands renforts d’aides généreuses.
Mais il existait une source de troubles potentiels: la vaste et indocile population touareg du nord aride du pays, à l’origine de toute une série de révoltes désordonnées déclenchées au fil des ans par l’oppression et la discrimination dont elle s’estime victime.
Pendant les famines par exemple, le gouvernement central a pillé tous les fonds destinés à l’aide humanitaire et aux camps de déplacés, suscitant la colère au sein des communautés touaregs (souvent appelés localement les «hommes bleus» à cause du chèche indigo qu’ils portent souvent et qui déteint parfois sur leur peau).
Beaucoup de Touaregs sont partis en Libye pour échapper à la sécheresse et au sous-développement économique de leur désert natal; certains ont même trouvé des emplois dans l’armée libyenne.
Il se trouve que la chute de Mouammar Kadhafi, en 2011, a donné un élan nouveau aux séparatistes touaregs. Voyant le régime de Kadhafi s’approcher de son terme, les chefs des rébellions précédentes ont commencé à s’organiser pour rentrer au Mali, équipés désormais de voitures et d’armes lourdes que l’on pense avoir été largement volés dans les arsenaux gouvernementaux libyens.

Un chef de guerre audacieux et fin stratège

Après avoir formé le MNLA, qui intégrait divers groupes touaregs de toute la région, les rebelles ont lancé une offensive et se sont rapidement emparés de plusieurs grandes villes du nord.
Ag Ghali, déjà à l’instigation d’unerébellion en 1990, y a rapidement décelé une opportunité. Lors d’un rassemblement de chefs en octobre 2011, il s’est proposé pour prendre la tête du MNLA. Mais les chefs touaregs l’ont rejeté, arguant de la ferveur croissante de sa foi islamiste.
«Nous voulons être un groupe laïc, m’a expliqué le porte-parole du MNLA Moussa Ag Acharatouman à l’époque. Le désir d’Ag Ghali d’imposer la charia ne correspond pas à la volonté du peuple ni aux objectifs du MNLA
Les chefs touareg ont depuis eu largement l’occasion de s’en mordre les doigts. Quelques semaines à peine après leur rejet, Ag Ghali a annoncé la création de son propre groupe, qu’il a baptisé Ansar Dine ou «Défenseurs de la foi».
Ag Ghali a déclaré —au grand dam des chefs du MNLA— que le principal objectif de son groupe était d’établir la charia dans tout le Mali. Les leaders nationalistes se retrouvaient évincés d’un seul coup.
«Nous savions que si Ag Ghali, célèbre leader touareg, se mettait à vanter partout la charia et à accueillir les islamistes dans la région, nous n’avions aucun espoir», déclara l’un des commandants du MNLA à l’époque, sous couvert d’anonymat car proche physiquement des groupes d’Ansar Dine.
Cette fois, la révolte touareg débuta sur les chapeaux de roue. Les séparatistes s’emparèrent d’une ville après l’autre presque sans coup férir; Ansar Dine et les forces d’AQMI les aidèrent à repousser l’armée malienne. Le rapide succès des Touaregs déclencha même un coup d'Etat militaire dans le sud, où des officiers mécontents, enragés par l’échec du gouvernement à soutenir leurs efforts de répression de la rébellion, renversèrent le gouvernement civil à Bamako, la capitale.
L’ironie voulut que, malgré l’intention affichée des putschistes de conserver l’intégrité nationale du Mali, leur initiative contribuât à accélérer la prise du nord du pays par les Touaregs.
Bien que contrôlant à peine la région, l’aile politique des rebelles annonça la création du nouvel Etat d’Azawad, le 6 avril. Cette déclaration visait à tenter de voler la vedette au groupe d’Ag Ghali.
Le leader d’Ansar Dine n’eut pas l’intention d’en rester là. Il accueillit des islamistes de toute la région, qui, profitant de frontières non gardées par l’armée malienne, commencèrent à affluer en masse dans le nord.
Les rangs d’Ansar Dine, qui ne comptaient au départ que quelques centaines de soldats, prirent rapidement de l’ampleur —et le MNLA vit son pouvoir lui échapper.
«A un moment, nous contrôlions tout, me raconta l’un des combattants du MNLA. Nous pensions que c’était gagné, que cela allait être la rébellion la plus réussie de toutes. Et soudain tout est complètement allé de travers. C’est déchirant.»
Le MNLA découvrit qu’il n’avait pas assez de soldats pour contrôler tout le territoire qu’il avait capturé. Les membres d’Ansar Dine commencèrent à le suivre dans les villes qui avaient été prises, où ils hissèrent le drapeau noir du groupe et décrétèrent qu’ils en avaient pris le contrôle.
La métamorphose d’Ag Ghali en fervent défenseur de la foi en surprit plus d’un. Pendant des années, racontent les habitants, son amour des femmes et de l'alcool ne fut un secret pour personne.
Chana Takiou, rédacteur en chef du journal malien 22 Septembre, raconte que plus jeune, Ag Ghali était un pilier de bar notoire qui buvait parfois jusqu’au bout de la nuit.
«Il est timide, pas très bavard et rit rarement», me confia Chana Takiou, soulignant au passage que, cependant, Ag Ghali priait souvent. Il se rappelle également qu’Ag Ghali protégeait sa vie privée.
Né à Kidal, membre du clan Ifoghas (Touaregs de la région de Kidal), Ag Ghali est le fils d’éleveurs nomades.
Dans les années 1980, âgé d’une vingtaine d’années, il se rendit en Libye où il rejoignit la légion islamique de Kadhafi, un groupe de combattants recrutés pour défendre les causes islamiques (et renforcer la crédibilité religieuse de Kadhafi au passage).
Ag Ghali fut envoyé combattre contre des milices chrétiennes au Liban. Quand la légion fut dissoute en 1987, il rentra au Mali, animé d’un goût nouveau pour la rébellion.
Le 28 juin 1990, il lança donc une attaque contre la ville de Menaka dans le nord, tuant plusieurs policiers maliens et inspirant la première de nombreuses révoltes touareg. Six mois plus tard cependant, après une intervention par le gouvernement de l’Algérie voisine, il fut poussé à signer un accord de paix sans avoir atteint aucun de ses objectifs.
Beaucoup de ses supporters le traitèrent de vendu et l’accusèrent de mettre un terme à la rébellion au moment où elle commençait à prendre.

Ses liens troubles avec la secte Dawa

Après la rébellion de 1990 et un voyage au Pakistan, Ag Ghali aurait entretenu des liens avec la secte fondamentaliste Dawa, rejeton de l’association missionnaire islamique Jamaat al-Tabligh basée dans le sud-ouest asiatique.
Il aurait passé de plus en plus de temps dans des mosquées et se serait éloigné de ses anciens cercles sociaux. Chana Takiou, le journaliste malien, raconte que c’est à cette époque que l’islam d’Ag Ghali s’est radicalisé:
«Il passait du temps avec un prédicateur pakistanais en particulier, appelé Peshawar, qui porta le mouvement Dawa à Kidal
Mohammed Sylla, membre du mouvement Dawa, qui revendique avoir connu Ag Ghali, me dit qu’il ne paraissait pas particulièrement militant et qu’il était très affable.
«Quand certains de nos membres ont compris qu’il allait se lancer dans une tentative de rébellion, nous avons essayé de l’en dissuader, explique Sylla. Notre objectif n’est pas d’attaquer une personne ou un pays quelconque. Nos intentions sont amicales. Ansar Dine n’a rien à voir avec le mouvement Dawa et nous ne comprenons pas son objectif ou sa vision
Sylla expose que les membres du groupe «n’ont aucune idée» de la raison pour laquelle leur ancien membre emprunte la voie qu’il s’est choisie.
C’est en 2003 qu’Ag Ghali a commencé à faire publiquement étalage de son adhésion à la cause fondamentaliste (bien qu’il ait pris soin de rejeter le terrorisme et les attentats suicides).
Il fut choisi pour servir d’intermédiaire au gouvernement dans la négociation pour la libération des otages retenus par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), organisation militante principalement algérienne qui a depuis changé son nom en alQaida au Maghreb islamique (AQMI).
Il connut son plus grand succès en août 2003, en négociant la libération de touristes européens kidnappés en Algérie et détenus par Abou Zeid, un commandant du GSPC.
Il a depuis été impliqué dans un certain nombre d’autres négociations avec le groupe, acceptant parfois de coquettes commissions pour son travail, ce qui lui a aussi valu une réputation d’éminence grise.
En 2006 il fut de nouveau impliqué dans des projets de rébellion et contacta un leader touareg rebelle vétéran avec qui il organisa un nouveau soulèvement. Et pourtant, au grand dam de nombre de Touaregs séparatistes, Ag Ghali dirigea, là encore, des négociations de paix avec le gouvernement malien.
En 2007, commeon peut le lire dans un câble fuité du département d’Etat, il s’est même fendu d’une visite à l’ambassade des Etats-Unis à Bamako, où il a rencontré l’ambassadeur de l’époque, Terence McCulley.
«Parlant avec une voix douce, réservé, Ag Ghali n’a rien montré du personnage de guerrier insensible créé par la presse malienne», note le câble.
On y lit également qu’Ag Ghali, «apparemment fatigué», sollicita une aide militaire américaine dans le cadre d’opérations spéciales contre AQMI.
Malgré ses efforts pour imposer la charia, Ag Ghali avoua à l’ambassadeur des Etats-Unis que «l’un des points faibles d’AQMI était que peu d’habitants du nord du Mali adhéraient à son idéologie extrémiste».
Son aptitude à dresser chaque camp contre l’autre est depuis longtemps l’une de ses caractéristiques les plus notoires, et contribue à accentuer l’aura de mystère qu’il cultive autour de son personnage.
Rien de très étonnant, par conséquent, que le gouvernement malien ait été heureux de s’en débarrasser.
En 2007, quand il déclara aux autorités qu’il en avait assez des problèmes du nord et demanda à quitter le Mali, le gouvernement l’affecta à un poste de responsable consulaire et l’expédia à l’ambassade malienne en Arabie Saoudite, mais sans lui donner de réelle responsabilité diplomatique.
Le gouvernement de Riyad finit par l’expulser, l’accusant de cultiver des contacts avec des groupes extrémistes. Quand il rentra chez lui, Ag Ghali passa encore plus de temps dans les mosquées et se fit pousser une barbe encore plus longue, mais ses motifs politiques restèrent obscurs.
Le groupe d’Ag Ghali a rejeté de nombreuses demandes d’interviews, m’informant qu’il ne souhaitait pas recevoir de journaliste non-musulman. Si la sincérité de son zèle religieux a été mise en doute, les analystes notent qu’au cours des derniers mois, le ton d’Ansar Dine (et des déclarations d’Ag Ghali) s’est beaucoup radicalisé.
Selon Tinegoum Maiga, directeur du journal de Bamako La Nouvelle République, si Ag Ghali tient tant à imposer la charia, c’est avant tout parce qu’il veut obtenir des financements.
«Il veut simplement s’assurer un territoire sûr, et il utilise la charia pour justifier l’envoi de fond par ses donateurs», explique Maiga, qui affirme que le Qatar subventionne le groupe.
Maiga explique également que l’Algérie entretient une relation très forte avec Ag Ghali et finance beaucoup de ses opérations depuis des années:
«Il est très impressionné par son nouveau rôle de guide spirituel, associé à celui de seigneur de guerre
Après avoir rencontré Ag Ghali dans la ville septentrionale de Kidal en juin, le journaliste malien Adama Diarra m’a confié que le leader d’Ansar Dine paraissait profondément engagé dans son objectif de mettre en place la loi islamique.
Diarra raconte qu’Ag Ghali a revendiqué avoir des objectifs modestes et ne souhaiter que l’union de tous les Maliens autour de leur héritage musulman commun. Mais il rapporte qu’Ag Ghali a également qualifié toute personne refusant de se battre sous le drapeau noir de son groupe de «notre ennemi» et qu’il dénonce la laïcité comme de «l’ordure».
«Ceux qui travaillent avec la laïcité sont nos ennemis, et nous allons les combattre par tous les moyens», a averti le seigneur de guerre.
Ag Ghali a également exigé que le Mali fasse la preuve de sa nature démocratique en organisant un référendum permettant au peuple malien de se prononcer sur la mise en place de la charia.
Si les relations d’Ag Ghali et du MNLA semblent avoir décliné, et la plupart des soldats du MNLA étant soit en fuite vers les zones frontalières, soit ayant rejoint les rangs d’Ansar Dine, Ag Ghali continue de construire un réseau fort d’islamistes dans la région.
Après que des leaders d’AQMI ont été aperçus autour de Tombouctou en avril, des membres du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) ont également commencé à opérer dans la région.
Bien que proche allié d’AQMI, le Mujao est un groupe jihadiste contrôlé par des Africains noirs dont les opérations se concentrent dans les pays d’Afrique de l’Ouest.
Mais ces derniers mois, les frontières entre ces groupes islamistes sont devenues de plus en plus floues. Oumar Ould Hamaha, autrefois membre de l’élite d’AQMI, commence depuis peu à se présenter comme un commandant d’Ansar Dine.
Si AQMI opère depuis longtemps dans la région, c’est la première fois que ses chefs apparaissent ouvertement en public. En plus de son rôle de négociateur, Ag Ghali est aussi étroitement lié au groupe par un cousin qui en est un des officiers.
Les leaders du MNLA ont exigé pendant des mois qu’Ag Ghali dénonce les groupes islamistes.
Ces espoirs ont été déçus quand les combattants du Mujao ont affronté les nationalistes touaregs le 27 juin.
Le chef du MNLA, Bilal Ag Acherif, blessé au combat, est parti se faire soigner auBurkina Faso; il n’est toujours pas rentré au Mali.
Peu après cet événement, Abu Omar, haut responsable d’Ansar Dine, ne semblait pas regretter quoi que ce soit.
«Si vous voulez savoir si nous sommes en conflit avec le MNLA, gardez simplement en tête que nous n’avons pas les mêmes objectifs, m’a confié Omar. Nous ne nous battrons pas contre ceux qui veulent que l’islam soit vainqueur.»
Il a expliqué que le Mali a longtemps été dominé par des «politiques sataniques»comme un accès illimité à l’alcool, à la prostitution, aux banques non islamiques, sans oublier la tolérance d’immenses inégalités de richesses ainsi que la «soi-disant démocratie».
«Nous ne retournerons pas au type de système que Dieu nous a aidés à détruire», m’a confié Omar.
En attendant, des sources touareg assurent qu’Ag Ghali pousse ce qu’il reste du MNLA à rejoindre Ansar Dine, menaçant de les attaquer s’ils refusent de fusionner avec son groupe.
Les sources locales affirment que des combattants du Sénégal, du Pakistan, du Nigeria, d’Afghanistan, du Yémen et de Somalie arrivent dans le nord du Mali où ils gagnent des camps d’entrainement islamistes.
En septembre 2012 le Mujao a consolidé sa mainmise dans la ville de Douentza, repoussant les limites du territoire contrôlé par les islamistes plus loin au sud et provoquant l’inquiétude à Bamako.
Déjà, certains commencent à s'émouvoir à l’idée qu’Ansar Dine et ses alliés puissent lancer des attaques terroristes dans d’autres pays de la région. Ce genre d’angoisses incite les membres du groupe régional des pays d’Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à envisager des appels à l'aide.
En réaction à ces initiatives, le porte-parole d’Ansar Dine, Hamaha, a récemment déclaré:
«Nous conduirons une guerre contre tous les États-membres de la CEDEAO et aussi contre la France et les États-Unis d’Amérique [et] l’Union européenne qui soutiennent la Cédéao. Nous sommes prêts à mourir pour ça.»
La gravité de la situation a attiré l’attention des responsables politiques occidentaux, tant à Paris qu’à Washington.
Le gouvernement malien et les conseillers militaires de la Cédéao sont en train d’échafauder des projets militaires à soumettre aux Nations unies, au plus tard fin novembre.
Ces plans suivront probablement le modèle de l’intervention militaire en Somalie par des pays d’Afrique de l’Est organisée et soutenue par l’Occident.
Les négociations entre la Cédéao et Ansar Dine n’ont pour l’instant pas permis de faire beaucoup de progrès. Quand l'organisation ouest-africaine a demandé à Ag Ghali de se désolidariser des groupes islamistes «étrangers», il a répondu en appelant de nouveau à l’imposition de la charia.
Des responsables islamiques maliens ont contacté le leader d’Ansar Dine pour tester des possibilités de mise en place d’une version de la loi islamique, mais il pourrait bien être trop tard pour une solution pacifique.
Devant ses ennemis qui rassemblent leurs forces, l’énigmatique Ag Ghali va bientôt devoir montrer son vrai visage. Il lui faudra soit user de ses grands talents de médiateur pour trouver une échappatoire, soit aller jusqu'au bout de la lutte pour ses croyances religieuses.
William Lloyd-George (Foreign Policy)
Traduit par Bérengère Viennot

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lundi 29 octobre 2012

Mali : La paix d'accord, mais la guerre d'abord ! - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

Mali : La paix d'accord, mais la guerre d'abord ! - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso
« Qui veut la paix prépare la guerre ! » Donc, logiquement, qui veut la guerre prépare la paix. Alors que tout le monde attend que se déclenche enfin cette satanée guerre de libération dans un Mali occupé aux deux tiers par des islamo-terroristes, Djibrill Bassolé est allé porter le message de « Paix sur le Mali » de l’enfant terrible de Ziniaré aux autorités algériennes.

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Mali : La paix d’accord, mais la guerre d’abord !Personne (ou presque) n’y croit vraiment, mais le sinistre burkinabè des Affaires étranges, euh, étrangères, fonde « beaucoup d’espoir que les assises nationales qui ont été annoncées au Mali soient véritablement une occasion pour les Maliens de se retrouver, consolider leurs institutions et définir ensuite les différentes étapes de ce processus de transition ». Des assises annoncées depuis des mois et que l’on n’évoque plus, tellement les têtes sont toutes absorbées par la logique de la guerre. Mais l’enfant terrible de Ziniaré voit loin.
Après la guerre, il faut, dira encore M. Bassolé à ses hôtes algériens - « incontournables » dans la solution à l’équation malienne -, « aller vers des élections apaisées et acceptées de tous dans le but de doter le pays d’institutions stables ». C’est seulement ainsi que l’on pourra « régler de manière durable les problèmes que connaît le nord du Mali ». Alors, en avant pour la guerre et pour la paix !
Chapitre un donc, la guerre. Chaque camp s’active activement. D’après que les djihadistes, qui n’entendent pas se faire déloger cadeau, battent le rappel des troupes acquises à leur cause, qui affluent massivement du Soudan et du Sahara occidental. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) - par qui le mal est arrivé -, qui dément cet afflux de djihadistes, reconnaît toutefois « qu’il y a depuis longtemps quelques Soudanais dans les forces du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest, l’un des groupes islamistes du Nord), dont l’un est au commissariat de Gao (l’une des grandes villes de la région) pour l’application de la charia ».
En tout cas, plusieurs témoignages font état d’une impressionnante invasion - des centaines - d’islamistes armés, venus gonfler les rangs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et de ses alliés (les islamistes du Mujao et d’Ansar Dine). Et prêts à tout pour contrer cette foutue intervention armée dont on dit qu’elle est imminente. « Ils veulent la guerre ? On va faire la guerre. C’est pourquoi nos frères viennent de partout. Ils viennent des camps de Tindouf en Algérie, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de partout ! », a martelé, pince-sans-rire, Habib Ould Issouf, l’un des dirigeants du Mujao à Gao, originaire du Niger, selon une dépêche de l’Agence France presse reprise par le quotidien français Le Monde. Coup de bluff ?
Si tout le monde parle de cette guerre censée mettre les occupants islamistes radicaux et autres narcotrafiquants hors d’état de nuire, on ne cerne toujours pas aussi bien ses contours. D’autant qu’il s’agit d’une opération difficile, à l’issue incertaine. Alors que le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, espère une reconquête du nord du Mali « dans les semaines qui viennent, avant la fin de l’année ou au détour de l’année », certains diplomates, plutôt sceptiques, estiment qu’« il ne faut pas compter sur une intervention avant l’été 2013 ». Il n’est donc pas exclu que la guerre... des nerfs perdure encore.
De quoi donner des ailes aux négociations et espérer régler cette « sale histoire » par le verbe ? On n’y compte plus trop. Mais l’enfant terrible de Ziniaré a plus d’un tour dans son sac de Docteur Honoré ès « difficilitations ». On peut encore rêver du... « processus évolutif » vers les fameuses Assises nationales, même par-delà le bruit des bazookas.
Journal du Jeudi

Mali: le gouvernement doit tendre la main aux Touaregs | Slate Afrique

Mali: le gouvernement doit tendre la main aux Touaregs | Slate Afrique

L’urgence de la menace terroriste au Nord-Mali a poussé le Conseil de sécurité de l’ONU à voter la résolution 2071. Johnnie Carson, le sous-secrétaire d'Etat américain pour l'Afrique analyse pour SlateAfrique la situation au Mali.

Des Maliens de la région de Gao, septembre 2012 © REUTERS/Stringer
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SlateAfrique - Comment les Etats-Unis peuvent-ils aider le Mali?
Johnnie Carson - Les Etats-Unis essayent de trouver des solutions pour collaborer avec les Etats de la région, les organisations régionales, les pays amis comme la France, la Belgique et l’Union européenne, afin d'aider dans la mesure du possible le Mali, afin qu’il puisse faire face à la crise politique et humanitaire qui le frappe.
Nous allons également encourager le Mali à avancer sur la voie de la réforme démocratique. Les Etats-Unis avaient pris des mesures coercitives à l’encontre du Mali. En effet, la loi américaine exige de ne fournir de l'assistance qu’à un gouvernement légitime et démocratique.
A la suite du coup d'Etat de mars 2012, nous avons réduit toutes les aides au développement à caractère non humanitaire au Mali. Nous avons conservé un certain nombre de programmes mis en place comme les programmes de prévention du VIH/sida, du paludisme mais aussi continué à fournir des médicaments.
Il est nécessaire de préserver ce type d’assistance, afin de ne pas pénaliser les malades. Nous avons adopté la même politique pour les programmes agricoles s’ils sont nécessaires à la population.
L’un des défis que le Mali doit relever est humanitaire. La sécheresse et l’insécurité alimentaire ont été aggravées par les mouvements massifs de population, c'est pourquoi nous avons maintenu nos programmes de sécurité alimentaire.
Nous avons également mis fin à la construction d’une piste d’autoroute à Bamako, et le terminal que nous avions débuté, nous ne l’avons pas achevé. La construction a été interrompue car ce projet n’est pas de nature humanitaire.
Nous avons coupé toutes nos aides militaires, interrompus tous nos programmes «Peace corps»(coopérants) et tous ceux qui n’étaient pas de nature humanitaire.
Plus de 400 millions de dollars ont été investis au Mali et dans plusieurs autres pays depuis les problèmes qui affectent la région depuis ces 12 derniers mois.
Nous avons également sanctionné le capitaine Sonogo (auteur du coup d’Etat de mars 2012) et d'autres dirigeants maliens sont interdits d’obtention de visa des Etats Unis: ils ne sont pas non plus autorisés à d'entreprendre des transactions financières qui impliquent les Etats-Unis.
Il est important de maintenir une pression, afin que les militaires ne soient pas engagés dans la politique au Mali. La politique n’est pas du ressort des militaires.
SlateAfrique - Vous proposez de négocier avec les Touaregs, mais ceux qui sont prêts à négocier ont été marginalisés militairement. Est-ce vraiment efficace de négocier avec les mouvements qui ont été marginalisés?
Johnnie Carson - Il y a deux approches: le gouvernement doit tendre la main aux Touaregs et aux autres communautés marginalisées dans le nord et de leurs dirigeants qui ne sont pas, je le souligne, des salafistes ou des terroristes.
Il faut inciter ces groupes à négocier avec le gouvernement, mais un gouvernement qui reconnaît qu'il doit améliorer le quotidien de ces populations du nord, plus qu’il ne l’avait fait auparavant.
S’assurer qu'il y ait un engagement à respecter les promesses d'intégration politique et de développement économique. Il est crucial de savoir que le gouvernement s’engage dans la construction des écoles, des cliniques ou des infrastructures gouvernementales, et qu’il s’y tiendra.
La deuxième approche concerne la communauté malienne, en plus d'aider leur pays et les communautés régionales à chasser les terroristes, la population doit également s’engager à aider le gouvernement à respecter toutes les promesses de développement faite à l’encontre des Touaregs.
Johnnie Carson © U.S. Departement of State/ Africa regional Services
SlateAfrique - Est-il possible de trouver une solution à la crise malienne sans l’aide de l'Algérie? Ce pays n’est il pas la «grande puissance» régionale?
Johnnie Carson - L'Algérie est un pays important au Maghreb, et un acteur clé car, il partage la deuxième plus grande frontière avec le Mali.
Les populations qui vivent dans le sud de l'Algérie et celles du nord du Mali ont beaucoup de point commun: le Sahara, les Touaregs, les Arabes contribuent à l'économie de la région en effectuant des va-et-vient de chaque côté de la frontière.
On souhaite que l'Algérie puisse jouer un rôle positif et utile pour résoudre la crise malienne. Il est dans l'intérêt de l'Algérie d'incarner ce rôle, vu la longueur de la frontière qu'elle a en commun avec le Mali, la population qu'elle partage avec le Mali mais aussi les relations commerciales qui existent entre ces deux pays.
L'Algérie a un poids considérable dans la région et c'est très important. Ses préoccupations doivent être prises très au sérieux. On souhaite qu'il soit un acteur majeur dans la résolution de cette crise en phase avec la Cédéao (Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et les autres communautés régionales et nationales.
SlateAfrique - Barack Obama ne s'est rendu qu'une seule fois en voyage officiel en Afrique lors son mandat, le continent intéresse-t-il les Etats-Unis?
Johnnie Carson - Le président des Etats-Unis est profondément et passionnément intéressé par l'Afrique. Notre intérêt pour l'Afrique est de nature historique, économique, commerciale et politique. Barack Obama a eu un calendrier serré. Il a donné la priorité à l'économie américaine qui a présenté de nombreux défis en raison de la crise économique dans laquelle nous sommes plongés actuellement.

SlateAfrique - Le président américain a effectué son discours phare à Accra, au Ghana, le 11 juillet 2009. Comment expliquer qu’il ne se soit pas rendu au Nigeria? Est-ce à dire que le Nigeria n’était pas considéré comme aussi démocratique que le Ghana?
Johnnie Carson - Il a confié la responsabilité des Affaires étrangères à Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat. En trois ans et demi, elle s'est rendue à deux reprises au Nigeria, où elle a rencontré le président Goodluck Jonathan. En outre, avant la mort de Umaru Musa Yar'Adua en août 2009 (l’ex-président décédé avant le terme de son mandat), je me suis rendu au Nigeria.
SlateAfrique - Pourquoi le Nigeria est-il un partenaire aussi important?
Johnnie Carson - Il existe au moins une dizaine de raisons qui expliquent en quoi le Nigeria est un interlocuteur essentiel pour le président américain: le Nigeria possède la population la plus importante du continent avec ses 160 à 170 millions d'habitants. C'est le plus grand pays d'Afrique. Le Nigeria est le 6e pays où l'on trouve la plus forte population musulmane du monde, l'Egypte est le premier pays africain mais devrait bientôt être supplanté par le Nigeria.
Ce pays est le cinquième pays exportateur de pétrole. D'ailleurs le Nigeria est l'un des plus grands partenaires commerciaux des Etats-Unis en Afrique. S'ajoute à cela le fait que les Etats-Unis investissent énormément au Nigeria. Enfin, nous partageons des liens historiques, politiques qui contribuent à perpétuer nos intérêts communs.
Propos recueillis par Maïmouna Barry, Pierre Cherruau et Afolake Oyinloye
Retrouvez la première partie de l'interview
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