vendredi 23 juin 2017

PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE AU MALI : Un autre Massa* nous est né - Editions Le Pays

PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE AU MALI : Un autre Massa* nous est né - Editions Le Pays

Un autre Massa* nous est né

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PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE AU MALI : Un autre Massa* nous est né
Les semaines à venir risquent d’être chaudes au Mali. Et pour cause. La réforme constitutionnelle voulue par le président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) ne semble pas avoir l’assentiment de nombre de ses compatriotes qui y voient une manière de renforcer les pouvoirs du président de la République. Notamment à travers la nomination du président de la Cour constitutionnelle devant qui le chef de l’Etat va prêter serment, et la latitude qui lui sera donnée de nommer un tiers des sénateurs. Aussi les contestataires sont-ils en train de s’organiser pour faire échec audit projet qui est prévu pour être soumis à référendum le 9 juillet prochain. Le samedi 10 juin dernier, des militants de l’opposition et de la société civile avaient été gazés pour avoir tenté de manifester sans autorisation contre ledit projet.  Le lendemain, le cercle des grognards s’est élargi pour s’organiser autour d’une plateforme d’opposants qui  compte en son sein  non seulement des partis politiques traditionnels d’opposition et de la société civile, mais aussi des députés de la majorité parlementaire et des artistes qui se sont joints au mouvement.

La contestation de la révision constitutionnelle n’est rien d’autre qu’une crise de confiance entre acteurs politiques
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce projet de révision constitutionnelle est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique malienne. Et la question que l’on se pose est de savoir si le pouvoir de Bamako va prêter une oreille attentive aux récriminations de l’opposition pour rectifier le tir, ou s’il va rester droit dans ses bottes en comptant sur la sanction du peuple pour entériner son forfait. En tout cas, eu égard au choix du bâton contre les premiers manifestants, l’on peut être porté à croire que les autorités pencheront pour l’option du référendum. Et cela n’est pas sans rappeler, dans une moindre mesure le cas du Burkina où la question du sénat et de la modification de l’article 37 avait fortement divisé la classe politique. La suite, on la connaît. Toutefois,  dans le cas du Mali, la stratégie de lutte reste encore à définir clairement, alors que le temps presse. En effet, pendant que les organisateurs de la plateforme entendent utiliser tous les moyens légaux pour contrer ce projet de révision constitutionnelle et battre le macadam en faveur du non au référendum, d’autres opposants comme le vice-président du parti des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare « An Ka Wuli) ne veulent pas aller jusqu’au référendum car, « difficile de faire confiance à un régime qui propose un projet de ce genre-là dans un contexte aussi difficile ». Le mot est donc lâché. La contestation de la révision constitutionnelle n’est rien d’autre qu’une crise de confiance entre acteurs politiques au Mali. Comme cela s’est vu et se voit encore sous de nombreux cieux en Afrique, du Burundi de Pierre Nkurunziza au Congo de Denis Sassou Nguesso en passant par le Gabon d’Ali Bongo Ondimba, le Tchad de Idriss Deby Itno ou encore le Burkina Faso de Blaise Compaoré d’alors. Autant d’exemples de pays où les retouches constitutionnelles étaient taillées à la mesure d’un seul individu et ne visaient en réalité qu’à lui ouvrir des brèches pour se maintenir au pouvoir. Si IBK est dans cette même logique, alors un autre Massa nous est né.
Le président malien serait mal inspiré de ne pas écouter la clameur de ses compatriotes
Et cette initiative de révision constitutionnelle pour lui donner les pouvoirs les plus étendus, peut susciter d’autant plus de suspicion que l’on est pratiquement à un an de l’élection présidentielle. Et tout le monde sait que la nomination du président de la Cour constitutionnelle par le chef de l’Etat est loin d’être un fait anodin. Tout comme la nomination d’un tiers des membres du Sénat. Si ce n’est pas préparer le terrain pour assurer ses arrières, cela y ressemble fort. Autrement, qu’est-ce qui pourrait justifier la nécessité d’aller à de telles réformes décriées, alors même que le pays est en proie à une recrudescence des attaques terroristes qui n’épargnent ni les populations ni les forces de défense et de sécurité ? Comment organiser sereinement un référendum dans de telles conditions ? Si IBK lui-même a été élu dans des conditions difficiles, la reconquête des parties du territoire sous occupation jihadiste et la paix dans le Nord restent et demeurent les dossiers les plus importants sur lesquels il était attendu. C’est pourquoi le président malien serait mal inspiré de ne pas écouter la clameur de ses compatriotes et de vouloir s’entêter à opérer un passage en force. S’il le faisait et réussissait à le faire entériner par référendum, certains Maliens risquent de ne pas se reconnaître dans ce pacte national. Et cela pourrait être une autre source de dangers pour un pays qui peine véritablement à assurer sa stabilité. Il est donc inutile d’ouvrir  un autre front qui ne pourrait que fragiliser davantage un pouvoir déjà mis à rude épreuve par les attaques terroristes. Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’est pas sûr que s’il engage une épreuve de force, le pouvoir de IBK s’en sortira sans laisser des plumes. En tout état de cause, s’il persistait  à faire la sourde oreille, IBK pourrait être surpris par la tournure des événements s’il essuyait un camouflet, et donnerait une mauvaise image de lui en laissant croire qu’il est plus préoccupé par la question de son pouvoir que par le sort de son pays, à commencer par la protection de l’intégrité de tout le territoire malien.
 
« Le Pays »
 
*Massa : chef aux pouvoirs étendus, en langue dioula

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